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Gravir l'Everest sous Xénon...

Le toit du monde est toujours l'objet d'une attention spéciale et son ascension de polémiques diverses.

Après les expéditions ''mammouth'' des années 50 au début des années 80, des approches plus légères furent considérées ensuite, à l'instar de Reinhold Messner qui en fit l'ascension en solo et sans oxygène en 1978. L'attrait de gravir le plus haut sommet du globe (selon la définition) reste toujours aussi prégnant, au vu des innombrables expéditions commerciales, avec leurs cortèges d'encombrement des camps, des itinéraires et de la pollution qui va avec. On peut s'indigner, sachant que les népalais eux-mêmes ont trouvé dans cette activité une juteuse source de revenus, et contribuent eux-mêmes à cette situation qui est regrettable. Mais il faut bien manger et nourrir une famille, personne ne leur en voudra.

L'ascension célèbre du YouTuber InoxTag en 2024 aura mis en exergue toutes ces questions, et les sociologues et autres experts de la chose montagnarde ont décortiqué le problème, pour mieux désacraliser cette réalisation. Il n'empêche qu'InoxTag a suivi les conseils d'experts en médecine d'altitude (memebre du Comité Scientifique de la FFCAM), et après des semaines d'acclimatation pas toujours facile, est arrivé au sommet avec son guide et ses bouteilles d'oxygène, envoyant au passage un message simple : tout est possible, il suffit de volonté et d'organisation (et au passage de beaucoup de sous). Avec une audience de plus de 38 millions de personnes pour son film, il est incontestablement un marqueur de notre société, même si cela déplait aux alpinistes encore baignés dans des valeurs d'un autre temps.

Mais le monde bouge encore plus vite. Un guide autrichien propose ainsi de gravir l'Everest en une semaine !! Cela semble délirant et pourtant les détails ne laissent pas la place au doute. Une pré-acclimatation forcée au Xénon, oui ce gaz rare dont les propriétés anesthésiques sont salvatrices pour aller vite au sommet, le temps de redescendre et de reprendre son vol retour pour raconter son aventure de la semaine aux collègues de boulot, le lundi suivant, autour de la machine à café ! Qui l'aurait cru ? Et bien, c'est probablement le début d'un nouvelle approche bien éloignée des valeurs éthiques traditionnelles... Mais ce dernier aspect semble bien secondaire désormais.

Vol intercontinental vers Kathmandu, puis vol en hélicoptère sous atmosphère de xénon, tentes hypoxiques, l'heureux élu pour le sommet sera accueilli par les sherpas pour le dernier effort vers le sommet, pour un prix modique dépassant les 150.000 euros. Mais à ce stade là, on ne compte plus. L'Everest devient bien un simple terrain de jeu, un barnum qui ne s'ignore plus. Il faudra une semaine pour fermer la boucle et revenir sur le plancher des vaches, et probablement une nouvelle surenchère prendra forme, pour réduire ce temps d'ascension encore trop long ! On pourra envoyer des enfants ou des vieillards là-haut, avec un risque minimal...

Dans une société qui n'a plus le temps de rien, ce type de scénario a tout son sens. Mais gravir ainsi l'Everest, c'est certainement trahir toutes les valeurs de l'alpinisme, pour collectionner les sommets comme des papillons dans un cahier. Au risque de passer à côté de tout ce qui fait la charme d'une ascension : ce qui compte n'est pas tant le sommet que le chemin, comme en Amour !

Le guide autrichien a bien testé son concept sur lui-même pour gravir l'Aconcagua, et a pu atteindre le sommet en 8 jours à peine depuis Innsbruck. Est-ce une preuve ? Pas certain, car d'autres ont fait mieux sans ce Xénon, qui est un anesthésique permettant de stocker plus d'oxygène dans le sang. Mais peu importe en fait. En trafiquant la mécanique humaine de cette manière, on peut parler de dopage sans équivoque. Et la conséquence de cela sera probablement un engouement exacerbé pour quelques richissimes personnes à l'égo mal dimensionné, avant que l'Everest ne devienne une ascension banale sans intérêt. Finalement, dans un avion de ligne, on est encore plus haut pour voir le monde, et en plus on est au chaud. Quel intérêt de se bourrer de gaz rare pour en baver avec quelques sherpas, et donner le change sur une pseudo-légitimité de l'ascension ?

Bref tout cela tourne à une farce grotesque. Les ascensions de vrais amateurs talentueux comme Mike Fowler et Paul Ramssden font bien plus rêver par leurs originalités et leurs engagements. On ne parle pas d'alpinisme ici, mais de consommation alpine. Chacun ses gouts. Pour ma part, je ne serai intéressé que par le dopage au Radon, un autre gaz rare encore plus lourd, mais radioactif ! Cela booste encore plus fort, et plus besoin de Gore-Tex, cela chauffe de l'intérieur. Pour s'entrainer, il suffit alors de vivre dans une maison bretonne en granit, ce qui somme toute, est assez écolo !!

On marche sur la tête à défaut de marcher sur l'Everest....

 


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Actu proposée par Yves SAVOYE-PEYSSON

Mise en ligne le dimanche 12 janvier 2025 à 14:43:38

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