La Tribune du G.H.M.

Réflexions sur le jugement en appel condamnant Christophe Profit dans l'affaire des pieux au Mont Blanc

Principe de départ : « Nul n'est censé ignorer la loi ».
Mais connaît-on la loi, si exposée à notre réflexion, on ne la comprend pas ?
Je ne suis pas juriste mais tant que le langage du droit reste accessible au commun des mortels je peux tenter d'analyser un texte élaboré par le législateur.

En l'occurrence l'article 311-1 du Code Pénal précisant que :
"Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui."
ne semble pas poser de problème particulier de compréhension lexicale ni grammaticale.

Je constate que pour cette définition, le législateur a éprouvé la nécessité de qualifier le type de soustraction dont il est question. C'est donc qu'il avait besoin de cette précision, sachant que le bien d'autrui peut être soustrait avec des intentions autres que frauduleuses. Dans le cas contraire il aurait adopté la rédaction suivante : Le vol est la soustraction de la chose d'autrui.

Donc bien que l'intention frauduleuse fasse l'objet de multiples études se traduisant par autant de définitions et jurisprudences, le législateur n'a pas exclu la possibilité d'autres intentions conduisant à la soustraction de la chose d'autrui.
Et ces dernières ne rentrent pas dans la définition pénale du vol ! Car sans intention frauduleuse il n'y a pas vol.

La cour d'appel de Chambéry a donc refusé de considérer ce qu'étaient les intentions de Christophe Profit lors de l'enlèvement des pieux en question. Et pour conclure qu'il y a vol, elle doit nécessairement établir une intention frauduleuse liée à l'acte. Laquelle, si j'ai bien compris la démarche des spécialistes s'avère alambiquée au plus haut point pour les non-juristes.

Pour François EXPERT dans son Master de Droit privé général : « La caractérisation de l'intention frauduleuse ». Une nouvelle définition unitaire de l'intention frauduleuse semble pouvoir être dégagée : « l'intention frauduleuse consiste toujours dans la volonté de parvenir à un résultat illégitime ».
Cette définition est en accord avec le besoin, éprouvé par le législateur comme par les tribunaux, de fonder la sanction de comportements a priori licites mais produisant un résultat inadmissible par l'ordre juridique dans son ensemble : un résultat « illégitime ». La volonté de produire un tel résultat constitue l'intention frauduleuse.

Est-ce sur cette base que la cour d'appel de Chambéry considère que :
- le comportement de soustraction des pieux de Christophe Profit, même licite ;
- produit un résultat inadmissible par l'ordre juridique, un résultat « illégitime » ;
- que ce résultat illégitime est bien le fruit d'une volonté de le produire ;
- la production d' un tel résultat constituant pour la cour l'intention frauduleuse ;
- l'intention frauduleuse est retenue ;
- Il y a soustraction frauduleuse de la chose d'autrui.
- Donc c'est un vol.

Mais alors pourquoi dans le cas de la mort d'autrui, « résultat illégitime » par excellence, les juges s'attachent-ils à distinguer l'assassinat, du meurtre, de l'homicide involontaire ? Certainement parce que les intentions du responsable de ce « résultat illégitime » sont essentielles au rendu d'une justice équitable et cohérente avec les attentes de la société.

Sur le site de France 3 région Auvergne Rhône-Alpes (cliquer sur le lien de la tribune), on peut prendre connaissance, écrit par Olivia Boisson et AFP et publié le 28/02/2025 à 09h53 ce qui semble être un relevé des attendus de la cour d'appel de Chambéry.

Or, Christophe Profit "s'est comporté, même momentanément, comme le propriétaire de ces pieux en les déplantant, en les évacuant des lieux et en décidant de ne pas les restituer", ajoute la cour, pour qui "le fait qu'il aurait enlevé les pieux dans un but sécuritaire (...) est indifférent" sur le plan juridique.

Donc si l'un d'entre nous ayant connaissance du dépôt de drogues d'un dealer, parvient à soustraire celles-ci, les évacuent, en décidant de ne pas les restituer, bien sûr dans le seul but de préservation de la santé publique, ce dernier point étant indifférent sur le plan juridique, mieux vaut ne pas être jugé par la cour d'appel de Chambéry qui nous condamnera pour vol !

Revenons à l'affaire des pieux. Le monde alpin sans exception, au-delà des divergences possibles sur le fond, a connaissance des motivations de Christophe Profit lors de ce prélèvement des pieux. Tous nous devons crier : « Chacun sait que l'intention de Christophe Profit n'était pas frauduleuse. En aucun cas son action ne peut être qualifiée de vol ».

Cliquer ici pour accéder au lien de l'article.



Article proposé par Claude JACCOUX
Mis en ligne le mardi 25 mars 2025 à 16:19:59

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