Le mot du Président

L'alpinisme face aux libertés d'accès et d'expression

Nous vivons depuis quelques décennies ce qu'on pourrait appeler «l'âge d'or du style alpin». Jamais, pour nous, alpinistes des pays développés, il n'a été aussi facile d'aller explorer et de gravir les montagnes du monde. Facilité économique, de transport et d'accès, appui sur des prestataires locaux fiables pour la logistique, etc. Comme le mettent en relief chaque année les Piolets d'Or, nombreux sont ceux qui ont su profiter de cette fantastique liberté d'accès et de pratique, même si certaines bureaucraties locales rendent l'obtention de permis d'ascension compliquée – d'ailleurs de nombreux alpinistes s'affranchissent aujourd'hui de ces procédures, et c'est tant mieux !

La «liberté d'expression» pour l'alpinisme a été quasi-totale, et cependant, certains épisodes tragiques récents nous renvoient vers une autre réalité : les «attaques terroristes», un risque moins classiquement admis. L'assassinat d'alpinistes au camp de base Diamir du Nanga Parbat en juin 2013, la décapitation du guide français Hervé Gourdel en Kabylie en septembre 2014 et, sur un autre plan, le massacre de Charlie Hebdo à Paris en janvier 2015, tous ces événements vont-ils marquer la fin d'une époque d'insouciance ?

Aujourd'hui, les tensions intercommunautaires explosent, instrumentalisées par les États – car oui, il faudra bien un jour assumer que ces mouvements extrémistes ou terroristes n'existent que grâce aux soutiens plus ou moins directs des services secrets qui les manipulent selon leurs intérêts sous le coude de la raison d'État. Cette situation dramatique exige maintenant une réaction citoyenne.

Depuis la première guerre du Golfe en 1990, combien de musulmans innocents tués par des interventions extérieures, pour un Occidental assassiné ? Pourquoi «tué» pour les musulmans et «assassiné» pour les Occidentaux ?

Jamais le monde n'a été autant connecté, jamais les médias n'ont produit autant de «contenus» avec autant de désinformation.

Aujourd'hui encore, seul le voyage permet de tenter de comprendre ce qui se passe vraiment.
Alors nous, alpinistes, redevenons des voyageurs avertis et poursuivons nos projets dans tous les massifs du monde, avec davantage de discernement. Rien ne serait pire qu'un repli sur soi dicté par une peur aveugle !

Plus prosaïquement, je souhaite ici remercier vivement François Labande pour son travail et son engagement exemplaires pour le GHM. François a décidé de se retirer de la direction de Cimes, afin de s'investir dans de nombreux projets qui, sans aucun doute, bénéficieront au monde de la montagne.

Le Président du G.H.M.

Christian TROMMSDORFF