Le Groupe de haute
Montagne (GHM) est le plus ancien des groupes spécialiés
d'Alpinisme et le seul existant encore en France à ce jour. Il a
été fondé au début de l'été 1919
par Paul Job, Jacques de Lépiney et Paul Chevalier, tous trois issus
d'un petit groupe de rochassiers parisiens très actifs animé
par Jacques Wehrlin, disparu au combat lors de la première guerre
mondiale.
Constitué au
sein du Club Alpin Français
qui le reconnaissait, le recommandait à ses membres, et lui offrait
l'appui de "La Montagne" laquelle publiait
ses statuts et ses communiqués, le GHM déclarait réunir
les alpinistes pratiquant le sport alpin en haute montagne et en montagne
difficile, avec ou sans guide ! Etre membre du CAF était alors une
des trois conditions d'admission, en plus des nécessaires qualités
alpines du candidat !
Il est intéressant
que noter que dans les années qui suivirent la première guerre
mondiale, de nombreux groupes spécialisés d'Alpinisme virent
le jour, ayant tous la particularité d'exiger certaines conditions
pour l'admission des nouveaux membres. Parmi tous ces groupes, le CAFA
(Club Académique Français d'Alpinisme) fondé à
Paris en 1925 tient une place particulière, puisque contrairement
aux groupes existants (y compris le GHM !), c'est le seul club ne reconnaissant
que l'alpinisme sans guide, parce qu'étant la forme supérieure
de l'alpinisme idéal et complet... Mais, paradoxalement, les conditions
d'admission étaient moins sévères que celles du GHM
! Le gros succès du CAFA fut la création de la revue "Alpinisme"
qui dès le premier numéro se plaçait au tout premier
rang des publications alpines françaises. Cédée à
une société commerciale alors que cette revue était
en pleine prospérité, elle subit alors un appréciable
développement rédactionnel et ce mouvement la conduisit à
traiter des plus hautes montagnes des Alpes et des pays étrangers,
jusqu'aux Himalaya. Cette revue subissait en fait l'empreinte de ceux qui
en devenaient les propriétaires et la conduisaient, en l'occurence
un groupe de membres du... GHM !
Il n'est donc pas
étonnant que le GHM et le CAFA se soient rapprochés dès
1927, cette évolution trouvant sa conclusion dans la ratification
d'un accord entre les deux associations. Nul ne pouvait être admis
au CAFA s'il n'adhérait au préalable au GHM ! Mais cet accord
ne tint que peu de temps suite à de nombreux conflits entre quelques
fondateurs du CAFA et le Comité du GHM.
En fait, à
la même époque, le GHM aspirait déjà à
une indépendance complète. En effet, le GHM et le CAF qui
"l'hébergeait" poursuivaient des buts très différents.
Si le premier regroupait une élite peu nombreuse d'alpinistes sélectionnés,
le second fédérait l'ensemble des montagnards français,
quelles que soient leurs activités. Ceci ne pouvait que soulever
tôt ou tard des difficultés, qui provoquèrent la rupture
en 1930. Le 4 novembre de cette année, l'assemblée générale
du GHM se prononçait pour la séparation avec l'association-mère,
et pour la création d'un groupe totalement autonome.
Cette séparation
fut cependant très bénéfique, et un protocole de collaboration
fut rapidement ratifié dès le début de l'année
1931. Cette collaboration qui n'a jamais cessée depuis lors s'est
révélée être très féconde, puisque
de nombreux membres du GHM furent appelés à présider
aux destinées du CAF: Claude Deck, Lucien Devies, Jean Escarra,
Jean Franco, Maurice Herzog... En 1955, les deux associations décidèrent
d'allier leurs efforts en concentrant leurs moyens, et de fusionner "La
Montagne" organe du CAF, et la revue "Alpinisme" devenue depuis de nombreuses
années déjà (1932) la revue du GHM. Cette fusion donna
naissance à la revue "La Montagne &
Alpinisme" qui prévaut encore aujourd'hui !
Au cours de la seconde guerre mondiale, le paysage associatif dans le monde
de la montagne fut profondément modifié par la création
d'une Fédération Française de la Montagne (FFM, puis
FFME
aujourd'hui, la voyelle E concernant l'escalade). Cette évolution
ne fut pas sans difficultés, notamment pour le CAF qui fut menacé
alors sérieusement de dissolution... Au sein de cet organe d'état
par excellence, structuré pour drainer des élites, le GHM
joua très rapidement un rôle capital, plusieurs de ses membres
ayant fait partie constamment du comité de direction de la Fédération.
Lucien Devies entre autres, y présenta et défendit un programme
de promotion de l'alpinisme français, programme réalisé
par la FFM, notamment par l'organisation d'expéditions nationales
dont elle fut le maître d'oeuvre. On remarquera que la FFM a été
présidée presque exclusivement par des membres du GHM: Louis
Neltner, Lucien Devies, Louis Gevril. Aujourd'hui encore, avec Robert Paragot,
la FFME est dirigée par un ancien Président du GHM ! A noter
que la direction du Comité de l'Himalaya et des expéditions
lointaines au sein de la FFME constitue depuis sa création une chasse
gardée du GHM !
Cette forte implantation
du GHM dans les deux principales structures françaises consacrées
à la montagne et à l'alpinisme est en fait le reflet de la
haute qualification alpine de ses membres acquise sur toutes les montagnes
du monde. Né dans l'amitié, le GHM a grandi dans ce cadre,
et suscite toujours un grand attachement de la part de ses membres. Il
compte ainsi, ou a compté, parmi ses membres la plupart des meilleurs
alpinistes français, et de nombreux alpinistes étrangers
du plus haut niveau. Fin 1997, le GHM comptait 253 membres, dont 45% de
nationalité étrangère.
L'oeuvre du GHM, comme
le commentait l'éditorialiste de la revue "Alpinisme" à l'occasion
du vingt-cinquième anniversaire de la fondation du Groupe, peut
se résumer à la création et au maintien d'un alpinisme
français de classe internationale. Outre les entreprises individuelles
souvent exceptionnelles, les membres du GHM ont été sélectionnés
pour la plupart des grandes expéditions nationales: tentative au
Hidden Peak (1936), Annapurna (premier "8000", 1950), Fitz Roy (1952),
Makalu (1955), Tour de Mustagh (1956), Chacraraju (1956), Jannu (1962),
Mont Hungtington (1964), face nord du Huascaran (1966), Pilier ouest du
Makalu (1971)... Ainsi, la longue histoire de l'alpinisme français
de haut niveau a été écrite sur le terrain par des
membres du GHM. Nombre d'entre eux ont également contribué
à faire évoluer les techniques de progression, tant en escalade
rocheuse que glaciaire.
Il n'est donc pas
étonnant que le GHM soit impliqué dans de nombreux guides
consacrés à l'Alpinisme. En particulier, le fameux guide
Vallot ! Par ailleurs, le GHM édite annuellement depuis 1955 son
bulletin, "Les Annales", véritable
encyclopédie de l'histoire de l'Alpinisme en France et dans le monde.
Mais l'historique
du GHM se serait pas complet sans mentionner le lien qui depuis sa création
unit ses membres. En effet, le GHM n'est pas une association ordinaire,
à tous égards ! Il n'est pas exagéré de considérer
que le GHM est avant tout l'expression d'un état d'esprit, où
chacun apporte sa contribution à la richesse du Groupe par ses réalisations,
et son engagement personnel dans la pratique de l'Alpinisme de difficulté.
Comme l'écrivait Robert Paragot, ancien Président du GHM,
"c'est
tout cela le GHM, où rien de s'achète et où tout se
gagne dans de hautes luttes, loin des foules, pour soi-même, pour
donner du sel à la vie."